Sonntag, November 06, 2005

Aux détracteurs de Chelsea

Voici un article qui date du début de la mi-septembre 2004, alors que l’équipe de Chelsea était encore très décriée & qu’Arsenal faisait encore figure de favori.
Quand on suit l’actualité footbalistique anglaise, on se rend compte à quel point le journaliste prenait parti pour ce dernier.
C’est véritablement un pied de nez que les joueurs du club londonien ont fait à tous leurs détracteurs en remportant la Premier Ship lors de la saison passée. Les bonnes réalisations des Blues, que ce soit cette année, ou celles de l’an passé attestent du « changement », il est vrai, dû en grande partie à l’arrivée de José Mourinho.
En d’autres termes, le « journaliste » en question aurait mieux fait décrire d’autres choses…
Ce n’est pas aujourd’hui que de tels articles paraîtraient, alors que Chelsea continue son parcours victorieux, ne trouvant plus d’adversaires réellement à sa mesure. Pour preuve, les mauvais résultats d’Arsenal, de Manchester United & de Liverpool (entre autres…) font parler les journalistes sportifs de véritables « descentes aux Enfers » pour ces clubs. Contrairement au club londonien qui lui, devient (enfin!) un GRAND d’Europe. A présent, qui pourrait le nier?…


Qu’on excuse ce paradoxe : voilà bientôt un siècle que Chelsea essaie de devenir un club. Car Chelsea, titres ou pas, demeure un cas à part dans l’élite du football anglais ; un club sans racines, la première - et, à ce jour, la seule - des « franchises » du football britannique, la création d’un homme d’affaires, H.A. Mears, qui, dans l’incapacité de louer son stade de Stamford Bridge à Fulham, avait contourné le problème en créant e toutes pièces un club de football. Difficile de ne pas voir en Roman Abramovitch un lointain écho de ce M. Mears, amplifié par les excès de notre temps. Chelsea, s’il draine un soutien fanatique dans les beaux quartiers de l’ouest de Londres, cherche encore son identité, au-delà de son image de séducteur inconstant.
Son centre d’entraînement ferait rougir un club de Ligue 2. Son stade est noyé dans un complexe de loisirs supposé luxueux, où le football a parfois du mal à se trouver une place. On arrive à Stamford Bridge, on y cherche en vain l’histoire, le substrat sans lequel les scores de matches ne sont que des statistiques. Si l’on met de côté quelques saisons fastes au début des années 70, du temps d’Alan Hudson & de Peter Osgood, pendant lesquelles, sous le regard de people comme Raquel Welsh & « Dick » Attenborough, on cru qu’une équipe était née, Chelsea court toujours après son âme. Ce qui lui manque pour l’attraper? Un titre, un grand - autre chose que cet unique Championnat d’Angleterre qui lui était tombé dans les mains en 1955. & un homme, qui à en croire les bookmakers, est peut-être enfin arrivé. Un homme qui sache secouer ce bel arbre qui ne produisait que des fruits trop verts. José Mourinho.
Le beau gosse portugais n’a pas que des admirateurs dans un football anglais que son franc-parler prit à rebrousse-poil dès qu’il posa le pied à Londres. On l’avait alors dit « suffisant », « arrogant », « confit de sa personne ».
« J’ai confiance en moi & je n’ai pas peur de prendre le risque de dire ce que je pense », a-t-il dit. & que pense-t-il? Entre autres, qu’il visait « les 100 points » en Championnat dès cette année? « Difficile d’être champions si l’on perd 10 points en route », avait-il ajouté en guise d’explication à un parterre éberlué. Peut-être doit-on remettre en mémoire ce fait : les « Untouchables » d’Arsenal, invaincus en 2003-04, avaient fini la saison avec 90 points dans la musette, & seul Manchester United a fait mieux que les Gunners, avec 93 points, il y a dix ans de cela.
Mourinho aurait aussi bien pu dire à Rafael Benitez, Graeme Souness & tous les autres entraîneurs qui rêvent de renverser le triumvirat Arsenal-MU-Chelsea qu’ils pouvaient aussi bien se rhabiller, que leurs clubs de manants n’étaient que des machines à donner des points à l’aristocratie en place (« Si l’on ne bat pas un club comme Southampton, ça ne sert à rien de battre Manchester »). Toutes les vérités - & c’en était une - ne sont pas bonnes à dire en société. Voilà qui changeait des déclarations drolatiques, & souvent drôles tout court, de son prédécesseur, ce gentleman italien nommé Claudio Ranieri.
Non que Mourinho manque d’humour. Après avoir vu son équipe battre Crystal Palace 2-0 les mains dans le poches, il envoya son assistant, Steve Clarke, affronter la presse à l’issue du match. Comme on s’étonnait de voir, non pas le bon Dieu, mais l’un de ses saints, Clarke répliqua que « José n’irait qu’aux conférences de presse difficiles ». Autrement dit, après une défaite. Au train où vont les choses, on risque de ne pas le croiser souvent. Les journalistes présents à Selhurst Park avaient pris le parti de prendre la chose du bon côté, y voyant la pique d’un homme d’esprit. Ils oubliaient - ou n’avaient jamais su - que Mourinho avait fréquemment adopté la même attitude au FC Porto, préférant laisser à un subordonné le soin de se draper dans la victoire, y compris lors de ses deux campagnes triomphales en Europe. Ce n’est pas le dernier des paradoxes qui, à défaut de définir le personnage, en tracent le contour : la grosse tête à l’orgueil modeste - mais pas la modestie orgueilleuse. Il sait qu’il est bon, très bon même, & ne le cache pas.
Ranieri, qui avait vu l’équivalent d’une équipe complète débarquer dans le mois suivant la prise de contrôle du club par Roman Abramovitch, revenait sans cesse sur la nécessité « d ’apprendre à marcher à [son] bébé » , de « bâtir les fondations » avant de songer à placer des pots de fleurs sur la terrasse ; Mourinho, dont l’effectif a subi un bouleversement comparable, n’a pas de ces pudeurs de rosière. Le titre de champion? « Oui. » L’Europe? « J’ai déjà gagné la Ligue des champions avec une équipe qui coûtait 10% de celle que j’ai aujourd’hui. »
& un phénomène inattendu s’est alors produit. Même si ce fut souvent à contrecœur, le langage tenu à son égard dans les médias britanniques se mit à changer. Chelsea gagnait. & non seulement Chelsea gagnait, mais, en l’espace d’une poignée de matches, le patchwork peu convaincant & pas malchanceux qui avait fait chuter Manchester United 1-0 le jour de l’ouverture du Championnat avait commencé sa mue. & l’animal, ma foi, n’était pas des plus déplaisant à regarder. Les deux 1-0 laborieux par lesquels les Blues avaient entamé la saison ont rendu myopes certains observateurs. Si Chelsea a su préserver la solidité défensive héritée du règne de Claudio Ranieri (un seul but concédé en quatre matches de Championnat, qui dit mieux?), Chelsea a aussi - & très vite - appris à pratiquer un jeu autrement plus expansif que le catenaccio à l’anglaise privilégié par ce dernier. A quoi ressemble ce jeu encore en évolution? Le tacticien répond : « Ce que je n’aime pas, & ce que je n’adopterai jamais pour mon équipe, est le 4-4-2 traditionnel, avec deux lignes de quatre, & seulement deux attaquants dans l’axe, autant dire des joueurs qui passent leur temps à courir d’un bout à l’autre du terrain. Ce n’est pas mon football. Je n’aime pas ça. Après… Que nous jouions en triangle ou en losange m’importe peu ; ce qui m’importe, c’est de créer un réseau de lignes de transmission du ballon, & d’y évoluer avec élan, créativité & dynamisme. »
Certes, Chelsea n’a pas encore trouvé cet « élan », cette « créativité », ce « dynamisme » ; Chelsea ne fait pas encore sauter les bouchons de champagne comme Arsenal. Comme Mourinho l’a joliment dit: « A qui cela peut-il servir de comparer un bébé de sept semaines à un enfant de sept ans? » Mais l’équipe de « gars qui aiment jouer u ballon, & jouer les uns pour les autres », promise par William Gallas avant la saison, est en train de prendre forme ; son jeu a gagné en fluidité ; & l’on sent une véritable camaraderie s’installer dans le camp des Blues, due en partie aux victoires, mais aussi à quelques gestes typiques de la « Mourinho touch ».
Du temps de Ranieri, les titulaires & les autres s’entraînaient séparément. Aujourd’hui, comme l’a révélé un Franck Lampard visiblement conquis par son nouveau boss, tout ce joli monde travaille de concert, & avec un plaisir certain. William Gallas, encore, lui, qui devra pourtant batailler ferme pour tenir sa place en défense centrale, où Mourinho semble lui préférer John Terray & Ricardo Carvalho, confiait son heureuse surprise d’en avoir fini avec les footings du petit matin, & de s’entraîner constamment le ballon au pied. Le patron sévère qui déclare « j’exige 100% de mes joueurs ; être motivé à 99% ne suffit pas » possède un atout majeur pour gagner, & conserver la confiance de ses joueurs : il est prêt à donner sa chance à quiconque le mérite. Pour une fois, le mot « concurrence » n’est pas une feuille de figue derrière laquelle masquer son indécision. Claudio Ranieri, qu’on n’avait pas surnommé « le Bricoleur » (tintement) pour rien, peinait à aligner un onze identique deux matches d’affilée. & pourquoi pas, lorsque le poste est doublé - voire triplé - par un international? Mais le Romain battait son jeu de cartes d’une autre manière: au gré de décisions tactiques qui ne prenaient pas toujours en compte le rendement réel ou l’état de santé des footballeurs concernés.
Mourinho, lui, juge les hommes plus que les systèmes. Alexeï Smertine, qu’on avait envoyé se faire les dents à Portsmouth l’an passé, débuta (& finit) le match contre Manchester United ; la semaine suivante, à Birmingham, après une première mi-temps anonyme, le Russe était remplacé par Tiago Mendes à la pause. Désolé, Alexeï, ce sera pour une prochaine fois ; mais cette prochaine fois viendra. Comme elle est venue pour Joe Cole, par exemple, qui désespérait d’évoluer à son poste naturel - en neuf & demi -, après avoir fait le Yo-Yo entre les deux flancs du temps de Ranieri. Mourinho parla avec le joueur, dont le désir devint réalité lors des victoires sur Crystal Palace & Southampton. « Quand je regarde mon entraîneur dans les yeux, put ensuite déclarer le prodige formé à West Ham, je peux lire qu’il a confiance en moi. Ç a n’a pas toujours été le cas à d’autres époques. » Touché, comme disent les Britanniques.
Il n’y a plus d’ »incontournables » à Chelsea - il n’y a plus que des « indispensables », qui composent un groupe ; & seul ce groupe importe : « Un jour, a confié Mourinho, nous traverserons une phase difficile, nous perdrons des matches, tout le monde voudra nous tuer. C’est alors que ces concepts - le groupe, l’équipe, le club - nous permettrons d’avoir les forces pour revenir. Pour moi, c’est crucial. » & d’ajouter, pour le bénéfice de ceux qui croiraient que le communicateur parfois peu diplomate a du mal à transmettre son message à ses charges : « Peut-être suis-je fermé au monde extérieur, mais je suis ouvert à mon propre monde ; & dans ce monde, on trouve ma famille - & mes joueurs. » Ceux qui acceptent la main tendue, en tout cas ; ceux qui la refuseraient se verraient sûrement offrir la porte. On peut suspecter que certaines individualités - on songe à l’Irlandais Damian Duff ou au Roumain Adrian Mutu - auront des problèmes à se mettre en phase avec la philosophie de leur coach ; la meilleure preuve en est que ces deux surdoués ne comptent pour l’instant qu’un temps de jeu minimal dans le Chelsea mourinhien. Tant pis pour eux. Le message a d’ailleurs franchi les grilles qui ceignent Stamford Bridge ; lorsqu’on a avancé à Peter Taylor que son arrière droit Glen Johnson (31 matches disputés en 2003-04) n’aurait que peu d’opportunités dans son club - en raison de la présence du Portugais Paulo Ferreira -, le sélectionneur anglais des moins de 21 ans avait répliqué que « Mourinho, que je n’ai pourtant pas rencontré, ne me paraît pas le type d’homme à pratiquer le favoritisme ».
Les myopes évoqués plus haut ont donc chaussé leurs lunettes. & que voient-ils? Qu’un Chelsea nouveau pointe le nez hors de sa chrysalide. Les papillons, qui s’étaient risqués au grand air lorsque Glenn Hoddle, Ruud Gullit et, surtout, Gianluca Vialli avaient paru sur le point de compléter la métamorphose, avaient fini épinglés dans la collection de l’ex-potentat du club, Ken Bates. Trois mois ne se sont pas encore achevés depuis que Mourinho accepta les avances de Roman Abramovitch que l’on sent un frémissement d’un autre type. Cette fois, chacun est à sa place, comme l’a assuré sans la moindre équivoque Peter Kenyon, directeur exécutif de Chelsea Limited : « Je ne choisis pas l’équipe : c’est la responsabilité de José ».
Fini, le temps où le milliardaire russe descendait dire son fait à Claudio Ranieri dans le vestiaire à l’issue de chaque match. Les circonstances dans lesquelles Mourinho est devenu entraîneur - Chelsea n’avait pu, ou su, convaincre Sven-Göran Eriksson de quitter la sélection anglaise - lui ont facilité la tâche, c’est certain. Le « sauveur » a eu les coudées franches pour façonner un groupe fidèle à ses valeurs & à ses exigences, en commençant par refondre l’encadrement technique du club en s’entourant de fidèles comme ses compatriotes Silvino Louro (l’ancien gardien de Benfica) & Rui Faria, sas oublier le Brésilien Baltemar Brito. De l’ère Ranieri ne demeure plus que Steve Clarke, ancien Blue lui-même, & garant de la pérennité de l’institution - un peu comme Pat Rice incarne l’Arsenal d’hier au côté d’Arsen Wenger.
On a suffisamment glosé sur le recrutement spectaculaire opéré par Chelsea à l’intersaison pour ne pas énumérer une fois de plus les noms des nouveaux venus. &, cette fois-ci, on avait respecté les désirs de l’entraîneur. Non, ce qui est vraiment neuf, c’est que, alors qu’il s’apprête à célébrer ses cent années d’existence, Chelsea est peut-être en passe de devenir un club - & par la force d’un homme, un vrai.

2 Comments:

Blogger *мaяιε* said...

Oula... quel article! Je m'excuse de n'être qu'une exécrable fan de foot et de pas pouvoir saisir la profondeur de ta pensée... (Et par la même occasion de ne pas l'avoir entièrement lu ^^)Sur ce, bonne continuation! Niii!!! à toi! :-)

6:55 PM  
Blogger M. M. said...

(Trop) peu de gens comprendront cet article, tellement il est long, tu sais... & puis, c'est vrai, il est assez compliqué pour la gente non-footbaleuse
J'espère en tout cas quetu auras (au moins!) lu mon calendrier traitant du breuvage divin! mdrr

8:49 PM  

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