De l'intolérance & du fanatisme religieux
[Même en se basant sur Candide, le débat est loin d'être clos... ;-) ]
Comme pour ce qui est de la guerre, l'Europe n'a rien à envier aux brutalités orientales. Certes, c'est à Nagasaki que l'on oblige les Japonais travaillant pour les marchands hollandais, puis ces Hollandais eux-mêmes, à marcher sur un crucifix, mais c'est bien à Paris qu'on a vu des scènes de convulsions collectives sur la tombe d'un diacre (1727-1729) ; qu'on a exigé des mourant un "billet de confession" (1750) attestant qu'ils étaient soumis à la Bulle Unigenitus (1713) [Voltaire ajoute facétieusement "payable au porteur", jouant sur le sens bancaire de "billet" & sur le honteux trafic qui consiste à vendre, en somme, le passage heureux "pour l'autre monde"] ; qu'on a refusé la sépulture à Adrienne Lecouvreur parce qu'elle était comédienne (1730), & qu'on a jeté son corps à la "voirie", c'est à dire à la décharge publique. [Paquette parlera de "fumier"] ; qu'on méprise un homme qui ne croit pas au dogme cartésien des "idées innées" ; & qu'on voit depuis longtemps le fanatisme monachiste, insinuant & sournois, armer le bras des régicides, de J. Châtel (1594) à Ravaillac (1610) & jusqu'à ce Damiens "du pays d'Atrébatie" [d'Arras] qui blessa Louis XV & fut écartelé (1757).
C'est qu'en France comme dans toute l'Europe chrétienne, se sont multipliés les sectes, ordres & autres congrégations qui affirment tous représenter la vérité de la foi & la pureté de la pratique, & prétendent en imposer universellement les principes & les règles dans d'interminables & haineuses controverses & autres disputes théologiques.
Le texte de Candide anime, dans un tragi-comique pèle-mêle, un véritalbe ballet de ces prosélytes, chacun arborant le jargon & les insignes de sa paroisse : si le "théatin" Giroflée est inoffensif & ne doit sa jovialité qu'au laxisme avec lequel il applique les règles de son ordre, fondé pourtant au XVIème s. pour réformer les moeurs ecclésiastiques ; si le "prieur de bénédictins" n'a que la chance de se trouver à point nommé à Avacéna pour profiter du dénuement de Candide et acheter à bas prix son cheval, si le "cordelier" (membre d'un ordre mendiant, celui des franciscains) "à la grande manche" (c'est à dire renté), n'est qu'un vulgaire voleur qui dépouille Cunégonde de ses bijoux & un autre cordelier le vulgaire suborneur de Paquette ; si enfin "l'anabaptiste" Jacques a oublié les origines terroristes de sa secte & pratique désormais paisiblement le négoce & la charité, d'inexpiables querelles dogmatiques déchirent les "molinistes", adeptes du jésuite espagnol Molina & partisan d'une morale mondaine, les "sociniens", disciples des Siennois Socini, adversaires de la divinité du Christ & des peines éternelles, les "manichéens" qui, dans la tradition de l'ancien Persan Manès, soutiennent que les principes du Bien & du Mal se partagent également l'empire du monde, & les protestants, dont même les pasteurs, comme ce prédicateur hollandais "à manteau noir", laissent sans secours & accablent des pires outrages un homme qui refuse de croire que le pape soit l'Antéchrist.
Il est vrai que, dans les pays très catholiques, les "jacobins" mettent tout le monde d'accord en coupant court à tout débat. Ces jacobins appartiennent au grand ordre des dominicains qui s'honore d'avoir fondé, dès le XIIIème s., une belle institution de police & de répression religieuses, l'Inquisition.
Héritière du Moyen Age barbare, cette organisation fait encore régner la terreur, sourtout en Espagne & au Portugal, où on la confond avec la milice qui lui sert d'auxiliaire, la "Ste Hernandad" (qui veut quand même dire fraternité!). Sous prétexte de détecter & de réprimer l'hérésie, elle met en oeuvre un sinistre appareil de surveillance, de délation, de torture & d'exécutions, qui mobilise otute une hiérarchie, du "familier" (c'est à dire un agent d'espionnage & d'arrestation) au orélat : qu'un homme ait épousé sa "commère" (la marraine d'un enfant ont il est le parrain) ou qu'il ait évité de manger le lard d'un poulet, comme font les juifs, on le jette en prison, on le soumet à la question & on le punit solennellement au cours d'une cérémonie publique, "l'autodafé", dont les apprêts sont destinés à frapper de terreur l'imagination populaire. L'accusé de son obstination condamné à être brûlé est revêtu d'un "san benito", vaste scapulaire orné de flammes droites & de diables ; celui qui s'est repenti & confessé porte la "samarra", ornée, elle, de flammes renversées & sans diables. Un grand sermon est prononcé, qui donne son nom à toute la fête : l'acte de foi. ne musique "en faux bourdon" (ici, aux orgues, un grave & monotone Miserere) accompagne cette mascarade tragique.
Voltaire n'a pas vu lui-même une cérémonie de ce genre, mais il a scruté dans leur moindre détail les illustrations d'un livre de Dellon, Relation de l'Inquisition de Goa (1688), avec une indignation narquoise.
1 Comments:
moi aussi g lu que le titre mais chui totalemen dacord!!!
g décidé de venir plus régulièremen voir ta création de blog. le peu que javé lu mavé bien plus!!!
rooo bizouxxx
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